Voici un second extrait des méditations de Martin Luther King
(Extraits de « La force d’aimer »)
La foi, l’espérance et l’amour
Quelle espérance dans l’avenir quand nous ne voyons pas d’issue à notre malheur .. Dans cette seconde méditation, MLK nous interpelle sur ce thème de la foi, l’espérance et l’amour, à partir d’une parabole de Jésus
Nous lisons en Luc 11, 5-6
5 Jésus leur dit encore: Si l’un de vous a un ami, et qu’il aille le trouver au milieu de la nuit pour lui dire: « Ami, prête-moi trois pains,6 car un de mes amis est arrivé de voyage chez moi, et je n’ai rien à lui offrir, »7 et si, de l’intérieur de sa maison, cet ami lui répond: « Ne m’importune pas, la porte est déjà fermée, mes enfants et moi sommes au lit, je ne puis me lever pour te donner des pains » –8 je vous le dis, même s’il ne se levait pas pour les lui donner parce que c’est son ami, il se lèverait à cause de son importunité et lui donnerait tout ce dont il a besoin.9
« Et moi, je vous dis: Demandez, et l’on vous donnera; cherchez, et vous trouverez; frappez, et l’on vous ouvrira. »
Méditation
Il est minuit dans la parabole ; il est minuit aussi dans notre monde et les ténèbres sont si épaisses que nous pouvons à peine discerner où va notre chemin.
Il est minuit dans l’ordre social. L’homme dispose maintenant d’armes atomiques et nucléaires qui en quelques secondes peuvent détruire totalement les plus grandes cités du monde.
Il est minuit dans l’ordre psychologique. Partout des craintes paralysantes torturent les gens durant le jour et les hantent durant la nuit.
Il est aussi minuit dans l’ordre moral. Au milieu de la nuit les couleurs perdent leurs caractéristiques et se fondent en une ombre d’un gris terne. Pour l’homme moderne, l’absolument bon et l’absolument mauvais dépendent de ce que fait la majorité.
Dans notre monde actuel comme dans la parabole, l’obscurité profonde de la nuit est troublée par un coup frappé à la porte.
Le voyageur demande trois pains. Il désire le pain de la foi. Dans une génération marquée par tant de désillusions colossales, les hommes ont perdu la foi en Dieu, la foi en l’homme, la foi dans l’avenir.
Il y a aussi un désir profond du pain de l’espérance. Même dans les moments inévitables où tout paraît désespéré, les hommes savent que sans espoir ils ne peuvent pas vivre réellement et, dans un acharnement douloureux, ils réclament le pain de l’espérance.
Enfin, il y a le désir ardent du pain de l’amour Chacun souhaite aimer et être aimé. Celui qui ne se sent pas aimé a l’impression de ne pas compter.
Ayant frappé à la porte de son ami et demandé trois pains, l’homme de la parabole reçoit une réponse impatiente : « Ne m’importune pas»
Que de fois les hommes ont éprouvé un désappointement semblable lorsqu’à minuit ils ont frappé à la porte de l’Église.
Des millions d’Africains, frappant patiemment à la porte de l’Église chrétienne pour obtenir le pain de la justice sociale, ont été totalement ignorés ou se sont entendu répondre que cela viendrait plus tard, ce qui, presque toujours, signifie jamais.
Des millions de Noirs américains, affamés du pain de la liberté, ont frappé à coups répétés à la porte des Eglises dites blanches, mais ils ont d’ordinaire été accueillis par une froide indifférence ou une hypocrisie évidente.
Minuit est une heure éprouvante, où il est difficile de garder sa foi. Ce que l’Église peut dire de plus réconfortant, c’est qu’aucune nuit ne dure longtemps. Notre message éternel d’espérance, c’est que l’aurore viendra.
Nos ancêtres esclaves le savaient bien. Jamais ils n’oubliaient la nuit, car toujours sa réalité leur était rappelée par le fouet de cuir brut du surveillant et par les ventes à l’encan qui séparaient les familles. Lorsqu’ils pensaient aux ténèbres épaisses de cette nuit, ils chantaient:
Oh, nobody knows de trouble I’ve seen; Sometimes I’m up, sometimes I’m down,
Oh, yes, Lord, Sometimes I’m almost to de groun’,
(Personne ne sait ce que je ressens, quelquefois j’ai le moral, quelquefois je suis déprimé, Seigneur, quelquefois je suis même presqu’à terre.)
Plongés dans une nuit épuisante, mais croyant fermement que le matin viendrait, ils chantaient aussi : I’m so glad trouble don’t last alway. O my Lord, O my Lord, what shall I do
(Je suis si heureux que les soucis ne demeurent pas toujours, oh Seigneur, que dois-je faire ?)
La foi en l’aurore naît de la foi en la bonté et la justice de Dieu. Celui qui croit cela sait que les contradictions de la vie ne sont ni finales ni définitives. Il peut traverser la nuit noire avec la conviction radieuse que toutes les choses concourent au bien pour ceux qui aiment Dieu.
Même les nuits les plus privées d’étoiles peuvent annoncer l’aube de quelque grand exploit.
L’aube viendra.
Désappointement, tristesse et désespoir sont nés à minuit, mais le matin vient ensuite. « Le soir arrivent les pleurs, dit le Psalmiste, et le matin l’allégresse »
Amen